Extraits du catalogue de l'exposition "1962 - 2002"
CRAC / 19, Montbéliard, France
IDEM + ARTS, Maubeuge, France
Musée de Joliette, Québec, Canada

Gérard Durozoi historien, philosophe
Philippe Cyroulnik, directeur du CRAC /19, Montbéliard
et René Viau, commissaire de l'exposition, écrivain, critique d'art

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Gérard Durosoi

Avant de parvenir à ce qui caractérise son travail depuis une vingtaine d'années, Jean Noël a parcouru une série d'expérimentations, dont certaines s'éloignent de la définition - même très élargie - de la sculpture telle qu'on l'entend ordinairement.
Son choix de la non-représentation est cependant précoce : si l'on peut admettre que son parcours indique un certain nombre de solutions permettant finalement de mettre en cause ou en crise l'anthropomorphisme, il est notable qu'il n'a consenti à ce dernier que le moulage d'un demi- corps en 1961, alors qu'il est encore étudiant. Dans les années soixante, des tentatives, toujours rapides et ne donnant naissance qu'à un nombre restreint d'oeuvres, sont effectuées avec les matériaux classiques de la sculpture moderne : bronze, bois peint ( c'est dès le milieu des années soixante qu'il commence à concevoir la nécessité de la couleur faisant corps avec tout volume ), plaques de métal. En 1967, il mélange certains de ces matériaux pour réaliser quelques petits mobiles - salut bricolé à Calder - éventuellement aidés dans leurs mouvements par des moteurs électriques; il propose ensuite des volumes simples, cubes fracturés et décomposables ( comme si le mouvement devait cette fois être initié, non plus à l'intérieur de l'oeuvre elle-même, par les relations mécaniques qui en lient les éléments, mais par l'intervention préalable de celui qui installe et manipule les formes - ce qui aboutit nécessairement à un mouvement comme bloqué ou figé ), et conçoit un labyrinthe de plaques métalliques, présenté en compagnie d'hémisphères appliquées aux murs.

Cette fin d'année est importante puisque s'y manifeste un passage du plan horizontal de présentation ( qu'il soit plancher, support ou sol extérieur ) à la possibilité d'accrocher verticalement. Basculement qui sera durablement productif ; Jean Noël constate alors que les interventions concevables sur et dans l'espace sont en fait beaucoup plus ouvertes que l'admettent traditionnellement les sculpteurs ( et les amateurs de sculpture ). Loin de maintenir la distinction officielle entre volume sculpté et bas-relief, il commence à brouiller leurs caractéristiques et à se dégager d'une définition en quelque sorte toujours préétablie ou implicite de la sculpture comme inscription verticale dans l'espace, ou du moins comme volume ( y compris aussi troué qu'on le voudra et même lorsqu'il est plus large que haut ) posé sur un plan. Il y va dès lors d'une sorte de généralisation, un peu paradoxale, de l'espace de présentation : le paradoxe tient à ce que, réputée pour être un art tridimensionnel, la sculpture n'en finit pas - y compris dans ses versions modernistes - de traiter inégalement les trois dimensions en tant que productrices de tensions et de formes : elle privilégie la verticalité, ou, au mieux, la relation entre verticale et horizontale, en sorte que l'espace dans lequel elle intervient se trouvé amputé, sinon à strictement parler d'épaisseur ( puisqu'elle présente bien une épaisseur matérielle qui correspond à notre espace quotidien de perception ), du moins d'une profondeur authentiquement génératrice de dynamiques. Il y a en conséquence "généralisation" de son espace lorsque, se décollant d'un mur, la forme oeuvrée tend à rompre toute relation avec une horizontale lui tenant lieu de support : par sa façon d'avancer dans l'espace perceptif, elle affirme la matérialisation d'un espace évidemment local, mais devenu indifférent à tout repérage d'un "sol".
Se défaire de la verticalité implicite est une opération trop complexe pour être immédiatement accomplie. En fournissent la preuve les Ovoïdes qui apparaissent en 1968 : ces coques en plexiglas thermoformé et coloré ont une forme qui préserve un axe de lecture orienté de haut en bas. En sorte que, si leur présentation au mur confirme leur indépendance apparente relativement au sol, le bord plat qui les cerne reproduit un effet incongru de soclage : il est clair qu'ils sont posés sur le mur et qu'ils ne semblent nullement en surgir, ou en constituer une excroissance. Les Overexpansibles qui leur succèdent jusqu'en 1972, en répétant un module à l'horizontale, ne parviennent pas davantage à en finir avec l'hétérogénéité de l'oeuvre et de son support. La question n'est pas encore réglée de la mise au point d'oeuvres qui puissent être considérées, non plus comme des interventions ou modifications dans l'espace, mais bien comme des interventions ou activations de l'espace lui-même. Ce qui est par contre acquis, c'est l'importance de l'ombre générée sur le mur par la forme, en même temps que le jeu éventuel de la lumière se reflétant sur le matériau.

Sans doute le commentaire rétrospectif court-il le risque de découvrir dans les étapes antérieures du travail des conquêtes dont la fécondité est ultérieurement prouvée, alors qu'il a pu ne s'agir, dans la réalité vécue au jour le jour de la pratique, que de tâtonnements ou d'essais effectués un peu à l'aveuglette, et dont la leçon ne sera explicitée que très lentement. Il n'en reste pas moins que, vues d'aujourd'hui, les dix années qui commencent à la fin de 1968 paraissent indiquer chez Jean Noël des préoccupations qui, à travers la diversité apparente de ses activités, se rejoignent dans une interrogation portant sur les multiples manières dont des formes et des couleurs plus ou moins définies peuvent générer des perturbations, des marquages positifs d'un espace qui n'est pas uniquement celui de la perception esthétisante, mais qui s'affirme plutôt comme celui où nous agissons, nous déplaçons et vivons très quotidiennement.
Cet espace peut être partiellement occupé - notamment par des séries de poches en vinyle gonflé, soudées entre elles. Ce qui compte alors est la possibilité d'utiliser ces poches de différentes manières : disposées en une chenille dont les extrémités sont accrochées au plafond, posées au sol en ligne droite ou ondulante, empilées, plus ou moins gonflées. C'est aussi bien leur aspect que leur présentation qui se trouvé modifié à chaque exposition, comme s'il s'agissait d'éprouver les capacités d'accueil de l'espace à un objet transformable, ou, réciproquement, de modification de l'objet en fonction de l'espace où il doit momentanément être montré, et d'expérimenter un maximum d'inter-relations possibles entre une forme instable et les espaces de monstration. A ces poches succèdent en 1969 de simples modules sans volume, cousus ou fixés par des vis de plastique, qui sont posés au sol - on peut évidemment les rapprocher des Floor Pieces que produit Carl Andre depuis 1966, mais dont Jean Noël n'a alors pas connaissance - au point qu'une telle proposition semble laisser de côté la réflexion sur l'espace global en se concentrant sur le plan. Mais viennent ensuite des toiles de coton, soit en bandes cousues pour constituer un grand format quadrangulaire où alternent couleur et vide, soit en surfaces pleines et monochromes, grâce auxquelles le plan, déformé par les tensions de l'accrochage, perturbe réellement l'espace puisqu'elles peuvent être disposées en diagonale dans une salle ou une pièce, y définissant des lieux distincts et faisant office de fragile cloison qui sépare, dans un volume unique, un dedans d'un dehors, un ici d'un là bas. Le volume d'exposition se trouve ainsi fragmenté par un dispositif dont la simplicité n'a d'égale que l'efficacité : c'est la totalité de l'espace de déambulation qui révèle des propriétés jusqu'alors inaperçues, dans sa capacité à se scinder et à freiner ou empêcher certains gestes. Parallèlement, ces travaux réactivent, lorsqu'ils sont présentés sous des verrières ou dans des espaces architecturaux laissant passer la lumière du jour, ce que peut être le rôle de cette dernière dans l'espace vécu : ils l'interceptent ou la filtrent, mais ils peuvent aussi bien l'exalter par le jeu de leur couleur.

À partir de 1971, Jean Noël semble abandonner momentanément de tels dispositifs pour concevoir une série d'actions, pratiquer le film de court-métrage ou la photographie et dériver vers le body art. Dans ces activités se prolonge cependant une approche de l'équilibre des corps et des déformations que peut subir une surface ou un volume ( notamment charnel ) prédéfini. Il en va bien ainsi, par exemple, lorsque Jean Noël demande à quatre personnes de déplier et replier une vaste toile cousue : l'action n'a sans doute rien de très exceptionnel, elle a précisément pour avantage de faire accéder à la conscience du spectateur - auquel elle peut rappeler, avec son côté non-spectaculaire, des occupations domestiques aussi banales que le pliage des draps fraîchement lavés ou repassés - la réalité de sa propre gestualité, c'est-à-dire de l'inscription de son propre corps et de ses propres mouvements dans l'espace. Semblablement, les photographies ( ensuite imprimées sur toile ) d'un corps nu partiellement recouvert d'inscriptions donnent de la peau une définition un peu neuve : elle n'est plus seulement ce qui sépare l'espace organique de l'espace environnant, elle peut devenir surface à lire - et pour le modèle lui-même, qui fait ainsi, tout autrement que dans son miroir, l'expérience d'une déroutante extériorité à soi-même. Dans ses pratiques d'auto-maquillage dont témoignent de grandes photographies, Jean Noël éprouvera pour son compte personnel cette capacité de transformer le corps propre en objet, de ramener le volume facial à une surface quasi-picturale et de dépersonnaliser ce qui est initialement le plus singulier. Ces expériences, qui peuvent sembler relever de caprices et d'une errance de la recherche, ont peut-être permis à l'artiste de vérifier que de telles pratiques, si fortement dans l'air du temps des années soixante-dix, étaient décidément trop ancrées dans le réel, en d'autres termes, manquaient trop évidemment de dimension métaphorique, ou de sublimation, pour mériter d'être plus durablement menées. Elles ont néanmoins été accomplies - même s'il apparaît très difficile de préciser ce qui a pu en être retenu dans le travail ultérieur : on se hasardera à penser que ce passage par l'utopie d'une confusion plus ou moins achevée entre l'art et une quotidienneté légèrement transformée était nécessaire pour que puisse s'affirmer ensuite une sculpture conçue comme totalement autonome.

En 1979 apparaissent Arcs et Mers. Des matériaux s'y trouvent privilégiés - et pour certains ce sera définitivement : bois peint, tiges d'acier, ver-re, toiles tendues, en même temps que certaines oppositions - transparence et opacité, stabilité et déséquilibre, formes strictement définies et éléments comme laissés dans l'inachèvement. Les toiles tendues sur tiges d'acier jouent sur les résistances propres de chaque matériau; les Mers ( aux dimensions importantes : elles occupent un volume virtuel de 4 m x 2 x 2 ) sont élaborées avec des tiges particulièrement vibratiles : il suffit de les effleurer pour qu'elles vibrent longtemps, diffusant mouvement et son. Le bleu matissien qui les colore partiellement est sans doute un hommage, mais ce dernier se donne aussi dans le subtil ajustement de leurs éléments, qui mène à multiplier les angles de vision en même temps qu'à en savourer le jeu sur le vide et le plein, les courbes et les angles, la rigueur et l'abandon. L'usage du titre allusif - où se réactive d'autant plus la problématique des relations entre nature et culture que certains matériaux sont clairement d'origine industrielle - se prolonge lors de l'exposition Garden en 1983 : les pièces présentées s'y nomment Lune jaune, Motif floral n°1 ou Zéphyr. Leur descriptif technique est moins évocateur : "laque sur bois laminé et nylon", "acrylique sur polyester ondulé, acier", "laque sur bois, papier, nylon, acier, cuivre"; mais dans le texte qu'il signe à cette occasion, Jean Noël fait preuve d'un lyrisme non dénué d'agressivité : "Pour moi, il s'agit avant tout de créer des événements transmetteurs d'énergie car seule l'énergie compte...et aussi de travailler par pur plaisir, rechercher le parfum des choses, prêt à s'évaporer, l'essence...et puis tenter d'éviter l'occultation du Réel sous le discours productiviste hystérique et le détournement des ressources et des énergies dans des projets mégalomanes d'aménagement de cette planète en zoo humain".
Il n'est guère étonnant que les commentateurs de l'époque aient souligné les allusions végétales, et l'évocation d'un "paradis" possible, qu'il soit perdu ou à reconquérir : ils étaient eux-mêmes piégés par les indices descriptifs des pièces montrées - troncs, feuilles, ramures, cercle lunaire, etc..- qui ont presque fait obstacle à une perception plus formelle de ces sculptures. Mais cette dernière est sans doute mieux apte à rendre compte de la singularité de la démarche. Les "végétaux" sont en effet traités avec des matériaux artificiels, et la coloration des pièces n'est que très partiellement "réaliste": il y a bien du vert, du jaune, de l'ocre ou d'autres renvois possibles à la gamme chromatique qui signifie sans erreur possible que l'on a affaire aux éléments d'un paysage, mais leur disposition et leurs impacts sont calculés plutôt en fonction des relations qu'entretiennent entre eux les éléments qui composent chaque pièce que pour former une image obéissant à un souci profond de vraisemblance. De surcroît, Jean Noël n'utilise qu'un nombre restreint de formes, qui sont diversement combinées d'une pièce à l'autre, et toujours assemblées avec de frêles tiges métalliques dont le pouvoir d'évocation est dû à leur fonction ou à leur position, mais non à leur aspect. En sorte que son "évocation" résulte d'abord d'une sorte de combinatoire, dont on pressent qu'elle pourrait bien prouver sa fécondité indépendamment de tout motif. Sa sculpture est en fait "minimaliste", mais dans ce sens particulier où il s'agit pour lui, non d'explorer les déclinaisons possibles de structures "primaires" ou strictement géométriques, mais bien plutôt de réduire le motif au minimum garantissant sa reconnaissance. C'est le moment où il est sans doute le plus proche d'un Richard Tuttle, à ceci près qu'il accorde plus d'importance et de prix que celui-ci aux suggestions de ses matériaux et à l'espacement entre les parties de chaque sculpture. Au compact et au resserrement des éléments, il préfère l'aéré, la distance dynamique et une liaison définie par la souplesse d'une tige souple et par le poids de ce qui s'y accroche. Au lieu d'une programmation rigoureuse, il pratique un ajustement empirique, une sorte de noble bricolage prenant appui sur les exigences de ses résines, bois et fers. Les sculptures, loin d'être statiques et figées, semblent toujours prêtes à frémir, à trembler, elles sug- gèrent des dispositifs fragiles et transitoires. Particulièrement symptomatiques sont les formes "hydrodynamiques", élaborées pour être posées au sol, alors même que leur contact avec ce dernier est très faible : elles sont comme des épures de mouvements aquatiques, saisissant le moment incertain qui sépare le flux du reflux en les déduisant l'un de l'autre. Alors même que leur forme semble simple, fuseau ou lame effilée, il suffit de les approcher de plusieurs points de vue pour en constater la complexe subtilité, faite d'inversion de courbes ou de modifications discrètes d'une convexité. Chez Jean Noël, la simplicité apparente est un piège; elle dissimule une multiplicité de rapports partiels, d'autant plus efficaces qu'ils échappent au premier regard : la surface d'un bois est légèrement ondulée, et non plate, la laque qui la recouvre présente des irrégularités, la répartition d'une couleur se révèle peu systématique, une découpe n'est pas symétrique comme on le pensait, la façon dont un support tient au mur occasionne des écartements variables, etc... Se contenter de repérer globalement l'articulation des formes, c'est se priver d'une suite de plaisirs liés à la découverte progressive de ces "détails" dont l'accumulation assure la présence de chaque pièce, dont le titre lui-même, avec le résumé qu'il en propose, n'est qu'un leurre supplémentaire. En voudrait-on la preuve qu'il suffit d'imaginer la signification différente que peut prendre chaque oeuvre dès qu'on en modifie la présentation, disposant par exemple au sol ce qui évoquait un "arbre", ou fixant au mur une forme hydrodynamique : la pièce ainsi modifiée, non seulement conserve toute sa cohérence, mais acquiert une efficacité différente : ce qui semblait repérable comme tronc et branchage se révèle soutien pour une forme en suspension, et la "vague" se transforme en "nuage" ou en frémissement d'espace pur. Polyvalence plutôt rare dans la sculpture contemporaine, qui confirme que le travail combinatoire se préoccupe davantage des relations entre éléments que de leur possible signification empirique.

Dès la fin des années quatre-vingts, les formes renoncent finalement à évoquer quoi que ce soit de nommable. Les titres deviennent, très logiquement, de simples descriptions des composants de la sculpture. Ce peut être avec un humour très particulier - comme pour Rosa, rosae, rosam (1989), qui désigne rigoureusement la déclinaison de trois formes incontestablement roses issues d'une seule surface. C'est plus souvent de façon neutre : Avatars, Sui generis, Triangles, Bancal jaune et rose, Isométrie, Up'n down ( jaune bleu ) : ne sont nommés que des couleurs, des processus, des formes, des équilibres ou leurs contraires, soit ce dont chaque sculpture est très précisément faite. Les matériaux sont moins nombreux : disparition du bois, des tiges métalliques, usage quasi exclusif de résines teintées, de divers plastiques et d'instruments de quincaillerie légère ( aiguilles, vis ). Les sculptures désormais s'affirment comme articulations de plans colorés dans l'espace, délivrées de tout motif. Elles accèdent ainsi à leur définition la plus générale, en même temps qu'à leur plus forte singularité ( qui doit son évidence à tout autre chose qu'aux matériaux, même si ceux-ci ne sont pas des plus fréquents ) au point qu'on pourrait en contester l'appellation de "sculptures", tant leurs caractéristiques semblent déroutantes - si l'expression n'était déjà monopolisée par Don Judd, on serait tenté de les considérer comme des "objets spécifiques", mais on doit y renoncer puisque la production de Jean Noël est plus éloignée que jamais de la rigueur du minimalisme historique.
Jean Noël confirme dans ces travaux récents l'impossibilité de la statuaire publique. Ce n'est pas seulement parce que cette dernière a perdu de sa nécessité en raison de la dislocation des grands récits, religieux ou politiques, qui pouvaient structurer le corps social en oblitérant ses fissures. C'est également, sinon davantage, parce que la sculpture disposée dans l'espace public est victime de sa fonction et de ses usages possibles : son public est indifférencié, puisqu'il est aléatoirement prélevé - en fonction de l'humeur, d'une disponibilité toute passagère - dans une foule anonyme. Elle ne s'adresse donc plus à une subjectivité, mais à un "on" moyen, dénué de particularités, qui la découvre, au hasard de ses déambulations, comme marquage plus ou moins remarquable de l'espace urbain. On peut constater que cet anonymat fait en quelque sorte retour sur la sculpture publique elle-même et sur sa conception, aboutissant à des productions interchangeables, dont il est souvent bien excusable de confondre les auteurs (1)... Mais là n'est peut-être pas le plus grave. Ce qui semble le plus dommageable, c'est qu'il en résulte surtout que, loin de pouvoir activer l'espace de manière spécifique, de telles oeuvres ne doivent leur propre réalité qu'à leur emplacement, à la façon dont elles sont placées dans un réseau urbain; elles se trouvent ainsi dépendantes d'un espace préalablement constitué, au sein duquel leur efficacité est introuvable.
Parce que Jean Noël a choisi d'activer l'espace ( ce qui signifie simplement qu'il entend assumer pleinement sa responsabilité de sculpteur ), et d'y faire advenir des qualités qui en sont absentes tant que ses oeuvres ne les révèlent pas, ses pièces récentes prennent le parti d'intervenir dans des volumes intérieurs. Ce qui n'a rien à voir avec l'intimité ou les dimensions de ses oeuvres, mais renvoie à la nécessité de définir d'abord l'espace qu'il est question de rendre perceptible. Puisque notre rapport quotidien avec ce qui nous entoure reste organisé par les principes de la géométrie euclidienne (2), il importe d'extraire de l'espace général , qui joue le rôle d'un milieu indifférencié, un espace local dans lequel puissent intervenir des différenciations. Ces dernières sont produites par les articulations de surfaces colorées, et par leur aspect fondamentalement déroutant, parce que s'y affirment des tracés et des formes qui échappent, non seulement à toute description, même approximative, mais aussi à nos habitudes perceptives fondées sur une référence permanente à l'angle droit. Les surfaces que propose Jean Noël définissent des angles variables, mais jamais droits. Première déroute, à la fois sensible et conceptuelle, puisque les repères orthogonaux qui fondent la géométrisation traditionnelle du perçu sont ici récusés. Mais les surfaces elles-mêmes sont rarement planes, et les découpes qui les produisent sont également irrégulières. Chaque surface est elle-même peu nommable : ce n'est que très approximativement un triangle, ou un rectangle, et il est beaucoup plus fréquent qu'elle ne corresponde à aucune figure classiquement répertoriée - les bords ondulent, s'incurvent alternativement dans un sens ou dans l'autre, échappant à leur tour à toute nomination. A quoi s'ajoutent les effets extrêmement subtils de la couleur, variable d'une surface à l'autre ( ce qui n'est guère perturbant et vient en souligner les articulations ), mais éventuellement modulée sur chaque surface - ce qui peut être un peu plus gênant - et se modifiant parfois en abordant une tranche du matériau, ce qui, à coups de micro-débordements et de bavures partielles, peut rendre délicat le strict repérage de chaque surface...A cet ensemble de difficultés qui fait de chaque pièce un noyau opposant à notre prise perceptive ou intellectuelle une forte résistance, s'ajoutent les ombres projetées sur le mur, par définition variables, et qui ne font que multiplier le malaise de la description. Sur de telles formes, il semble impossible d'assurer une maîtrise : tout se passe comme si elles ne nous étaient dans un premier temps montrées que pour mieux nous mettre en déroute.
C'est que sans doute leur déploiement et leurs articulations sont dues à leurs exigences internes, à ce que réclame en quelque sorte la première surface ou la première découpe retenue, avec son contour et sa couleur. Elles seraient ainsi toutes fidèles à ce que formule en 1991 Sui generis. La pièce en question montre comment se développe dans l'espace une forme qui n'obéit qu'à ce qu'esquissent ses premières lignes génératrices : elles assurent l'expansion progressive d'une sorte de double vague, qui s'épuise progressivement et se termine par de minces extrémités, incurvées en sens contraire. Mais cette sculpture est une des rares qui, par son volume compact, semble chasser l'espace autour d'elle pour trouver son propre emplacement. La majorité des sculptures récentes de Jean Noël sont au contraire des formes ouvertes, qui s'infiltrent dans l'espace en définissant des localisations, mais aussi des glissements possibles, des déplacements, des permutations : oeuvres qui n'envahissent aucunement l'espace, qui y affirment au contraire une sorte de caractère transitoire, qui distinguent sans doute des plans ou des volumes virtuels, mais qui sont aussi des façons de donner à l'espace lui-même une sorte de vie ou de chair. D'autant plus qu'elles suggèrent la possibilité de leurs prolongements dans l'espace - ne serait-ce que par la façon dont les contours n'en sont pas franchement ou nettement découpés, mais au contraire un peu "baveux", laissant apparaître l'épaisseur du matériau et sa couleur. Chaque sculpture possède en conséquence une portée métonymique : elle déploie ses effets au-delà de ses limites matérielles. De l'indifférencié naissent ainsi des occupations singulières, comme s'il se condensait ou se coagulait, par un mouvement spécifique, pour donner à percevoir des tensions, des lignes d'énergie ordinairement imperceptibles.

Sculpter, c'est alors n'utiliser ses matériaux que pour donner à l'espace dans lequel ils vont s'inscrire l'occasion de révéler ses potentialités. En amont de toute forme, il y a de l'informe, et le travail de l'artiste ne consiste qu'à faire passer de celui-ci à celle-là. Qui accompagne son parcours avec l'attention requise y gagne beaucoup plus que le plaisir : une manière autre de se situer lui-même dans l'indifférencié, une façon nouvelle d'appréhender ce dernier pour y deviner que les choses, les lieux, les espaces tels qu'ils sont ordinairement admis n'attendent que notre volonté pour se transformer et nous proposer des versions plus accueillante au désir.

Gérard Durozoi

(1) Ainsi que le montrent après coup les deux sculptures d'extérieur réalisées par Jean Noël en 1967 : quelles que soient leurs qualités, Trimodulaire orangé et Hémicycle orangé n'affirment pas une forte singularité par rapport à de nombreuses autres propositions de l'époque. Ce qui est aussi à mettre au compte de la jeunesse de l'artiste...
(2) À l'intérieur duquel demeurent, soit dit en passant, les oeuvres de l'art minimal "historique" ( Judd, Andre, Lewitt,etc.).

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La Mécanique des Fluides

entretien avec Philippe Cyroulnik et René Viau

 

Philippe Cyroulnik :-Pouvons-nous évoquer vos années de formation?

J.N. : A l'école, je dessinais. J'ai commencé la sculpture dès que j'ai pu
tenir un canif. Et je prenais des cours de dessin. Plus tard en 57, j'ai été
touché par les Impressionnistes qui voulaient saisir la pure lumière:
Vincent, Gauguin, Monet. J'ai commencé à faire de la peinture. A 20 ans, je
suis entré aux beaux-arts de Montréal. Après deux ans et demi, on m'a dit que
ce métier n'était pas pour moi.

P.C. : -Que retenez-vous au bout de ces deux ans et demi? Est-ce le fait
d'avoir orienté votre pratique vers la sculpture? Des rencontres avec
d'autres jeunes artistes?

Jean Noël. : En première année, on nous faisait faire du Cézanne. J'ai
approfondi mes connaissances sur les impressionnistes. Je me suis détaché de
la peinture. Rapidement, mes préférences m'ont mené vers la sculpture.

P.C. : -Au moment où vous entrez à l'École des beaux-arts, quelles sont les
figures marquantes de la scène artistique de Montréal?

J.N. : En sculpture, Vaillancourt dégageait beaucoup d'énergie. En peinture,
c'était de Tonnancourt, picturalité abstraite et textures.

P.C. : -J'aimerais que vous reveniez là-dessus. Le Refus global, (1948)
arrière-fond historique très important pour l'art québécois se rattache à
l'expérience de l'abstraction mais aussi à l'écriture automatiste
surréaliste. Ce manifeste fait le lien avec un territoire artistique qui
s'est développé sur le versant nord-américain. On a donc l'expressionnisme
abstrait d'un côté, mais nourri de l'expérience européenne, et de l'autre, un
important courant abstrait géométrique initié durant les années 50 avec des
peintres comme Molinari, Claude Tousignant. Tout cela est schématique car
nombre d'artistes se situent en intermédiaires comme Charles Gagnon. Ce
rapide panorama nous aide cependant à saisir comment se constitue le paysage
d'ensemble sur la scène québécoise dans lequel le jeune artiste que vous êtes
émerge. Vous dites " je me suis détaché de la peinture ". Quand on regarde
d'un oeil européen le développement de la scène québécoise jusque dans les
années 80, on ne peut qu'être frappé, bien sûr avec des nuances et des
prudences, par l'émergence des pratiques de l'ordre de la sculpture, de
l'installation, de la photographie. Ces pratiques apparaissent peut-être plus
prégnantes que des pratiques spécifiquement picturales?

J.N. : Le Refus global, l'ancêtre mythique. Je suis passé à côté. Mais j'ai
vite sympathisé avec Lemoine, Serge Tousignant, Cozic, les gars de ma
génération.

René Viau : - Cette furia, ce cri de 'Refus global' ne me semble pas
vraiment correspondre au monde de Jean Noël.

J.N. : La peinture gestuelle m'intéressait peu. J'avais du rattrapage à
faire. Je m'intéressais surtout à la sculpture classique: Phidias,
Michel-Ange, Donatello puis, Rodin, Degas, Richier. En troisième année,
l'influence, c'était César. Pas encore les compressions mais le César
expressionniste avec ses oiseaux soudés. J'étais intéressé par la figure
humaine, les formes d'oiseaux. Après les beaux-arts j'ai été touché par les
sculptures massives aztèques et maya. Puis Moore, Brancusi, Arp. En 66, j'ai
intégré des couleurs pures sur de grands volumes simples taillés à la
tronçonneuse dans des troncs d'arbre. Et puis des cubes d'une seule pièce ou
formés de plusieurs pièces. Pour faire bouger tout ça, j'ai expérimenté avec
des mobiles de grande taille que les enfants faisaient tourner. Et puis il y
a eu ce choc du cerf-volant japonais vu à l'Exposition Universelle de
Montréal en 1967. Une interminable chenille tantrique équilibrée par des
tiges végétales et une queue en papier ondulait là-haut au gré du vent.
Quelle merveille d'ingéniosité et de légèreté! J'ai fait beaucoup de
cerfs-volants pas forcément construits selon les règles. Ce n'était pas le
but. Et là, tout a basculé. Mes formes ont commencé à s'arrondir, s'alléger,
s'accrocher au mur, se dédoubler puis se multiplier pour envahir l'espace.
La sculpture statique au sol, quel ennui! C'était terminé en 68.

R.V. :Il y a un phénomène de génération durant les années 65 . Beaucoup
d'artistes, avec des préoccupations complètement différentes, se retrouvent
avec une volonté de renouveler ce qui existe sur la scène artistique .
Étiez-vous sensible à cet aspect ou est-ce une démarche plus individuelle?

J.N. : J'étais enfermé dans mon petit univers classique jusqu'en 65. Je
frayais avec des vrais " gosseurs " de bois et des vulcains de fonderie
suant eau et sang en grognant - époque héroïque et naïve devant la fournaise
qui grondait en déversant ses tonnes de fonte en fusion dans mes moules en
sable. Mais j'ai vite regardé ailleurs notamment vers la Californie, Venice
pour être précis. Duane Valentine, Craig Kaufman. Frank Gehry aussi a grandi
à Venice. Il a sans doute connu ce mouvement. J'avais, déjà dès 62, beaucoup
expérimenté avec la fibre de verre qui permettait de tout faire soi-même, de
ne dépendre de personne. J'ai fait le tour de toutes les techniques jusqu'en
65 et même de la fonderie. En 66, par contre, tout cela était déjà de
l'archéologie.

P.C. S'agit-il du funk art?

J.N. : Pas funk. C'était plus formaliste quand même. Mais des formes simples,
colorées dans la masse et des plastiques fluides diffusant bien la lumière.
On y sentait le travail de la main. C'est probablement à New York que je les
ai découverts. Influence ou concordance? En tout cas, il y avait une
affinité.

R.V. : -C'est plutôt une information. Vous vous intéressiez à ces artistes à
une étape très précise de votre évolution.

J.N. : En 66, il y a eu toutes ces connections. Ces lumières se sont
allumées. Ajoutez le vent à cela en 67, et vous devinez la suite. Faut dire que
ma sculpture favorite était la Victoire de Samothrace. Même lorsque je
faisais du bronze, l'envol et la légèreté étaient, paradoxalement, mes thèmes
préférés. J'étais fasciné par les vaisseaux solaires voyageant
majestueusement vers l'infini à partir de l'énergie captée. Tout petit, je
faisais de la voile avec mon papa. Il embarquait ses huit enfants et notre
maman sur sa coquille de noix, serrés les uns contre les autres dans les
bourrasques du lac Champlain.

P.C. : -Le cheminement se fait progressivement à partir de la figure et du
corps vers la forme, du corps et de quelque chose d'anthropomorphe qui, peu à
peu devient abstraite.

J.N. : Après les formes anthropomorphes, je suis passé à des formes cubiques
qui se sont décomposées comme des puzzles à assembler. Et à des formes
ovoïdes à installer selon vos préférences. Lors de ma première expo en 68 à
Montréal, sur le carton (d'invitation), les gens étaient invités à choisir les modules et à
les recomposer.

P.C. : -En 1967 dans ces formes ,ces cubes, nous trouvons à la fois cette
idée de puzzle mais aussi cette idée d'espace, de vide entre deux éléments.
Cet entre-deux va revenir de façon très forte plus tard, durant les années 80.
Je vois bien le côté déconstructif du volume. Jouant sur cette
décomposition, cet espace, cet interstice entre les deux formes apparaît
nécessairement. Ces éléments sont assez proches. Il ne s'agit pas d'un
élément à un mètre et un autre à un mètre plus loin. Cette proximité
participe de l'ouvre. Cette pièce ce sont ces deux éléments qui, du coup
font une sculpture. Cet acte de séparation produit un vide qui permet à la
sculpture d'exister. En même temps, vous évoluez des matériaux naturels vers
des matériaux plutôt artificiels.

R.V. : -Il y a un modèle participationniste qui s'applique.

P.C. : -Dans les années1967, 1968 avec ces sculptures à la fois en bois mais
aussi ces sculptures cubiques, métalliques, ces éléments plans, découpés dans
du métal peint (...comme ) une sorte de jeu d'assemblage, il y a une possibilité d'adapter la
pièce à différents lieux, et vraiment une idée de mouvement, fait son
apparition.

J.N. : Les mobiles tournaient au vent. Chez mon ami Jacques Hurtubise, l'un
deux s'était envolé pour atterrir sur un terrain voisin. Mais même les mobiles
étaient trop statiques pour moi! J'ai voulu mouler le flot du vent ou de
l'eau avec une participation des spectateurs.

P. C. : -Donc ce caractère interactif. Une invitation du spectateur à être
dans la sculpture. Cela m'évoque un peu les préoccupations des artistes
cinétiques en Europe. Je pense aux pénétrables de Soto.

J.N. : J'avais expérimenté un labyrinthe à monter de diverses façons pour
offrir de multiples illusions d'optiques qui démultipliaient les dimensions.
Crée à Montréal en 1967 puis installé à la Galerie 60 et ensuite à la Carmen
Lamanna Gallery en 1968 à Toronto, le Labyrinthe, c'était un peu un chamboulement des
espaces par la multiplicité des impressions visuelles contradictoires. Et
puis je suis passé à autre chose.

P.C. : -Deux questions à propos de cette première période. Vous avez parlé de
la réflexion des artistes de la Côte Ouest et de leurs attitudes propres. Ils
font jouer un certain artifice de la couleur pour donner une autonomie aux
matériaux par rapport à ses références naturelle et ce par le jeu propre de
la couleur. Vous passez du bois au métal, du métal au plastique. Le plastique
est quand même le matériau des années 60. .Un signe, un des matériau symbole
de ces années vinyle. C'est le matériau du design pop. C'est le matériau de
nombreux artistes de la Côte Ouest. Dans ce contexte quels sont vos rapports
avec le pop art et les artistes de ce mouvement entre 1958-65? Le mouvement
pop est très fort sur le plan américain. La situation québécoise et
canadienne se trouve à la fois dans une réaction de proximité et méfiance.
Greg Curnoe est un artiste canadien très anti-américain. Il affirme son
identité canadienne. Où vous situez-vous par rapport à tout cela?

J.N. : Cela n'avait rien de politique ou d'identitaire. J'étais intéressé par
la plasticité des formes, leur réaction dans le processus de création.
L'espace lui-même était à conquérir. Il y aura les Gonflables en 68 et puis
les Toiles ensuite, puis les actions, -ces sculptures instantanées, qui
voudront ponctuer espace et mouvement. Les quadriller. Les découper. Les
mesurer. Petit à petit, j'ai voulu piéger la fluidité même.

P.C. :Si on revient au pop, ma question était plutôt de savoir en quoi
l'expérience du pop a-t-elle été importante comme culture visuelle pour vous?

J.N. : -Le pop art c'est en même temps une explosion de joie et de
créativité. C'est aussi admettre que la culture moderne est créée par le
populaire et non plus par une élite intellectuelle voulant faire évoluer la
pensée selon cette idée de la Renaissance que l'homme est perfectible.
Aujourd'hui, on brouille la frontière entre l'idéal et le superficiel. Entre
Mozart et le rock. Les moyens de diffusion de la culture sont réduits au rôle
d'alibi inoffensif. Et Jeff Koons peut se permettre d'affirmer (sans rire)
que l'art qui se vend pas n'est pas bon! Jésus disait qu'il fallait chasser
les marchands du temple. Le temple c'est notre conscience. Cette conscience
est soumise à un lavage de cerveau dès le berceau. Hollywood et Madison
avenue se sont substitués dans le rôle d'éducateurs de nos enfants, de toute
la société. La religion et la pensée sont remplacés par le body-building,
le " health food "! Alors qu'il y a tant de moyens de disponibles pour
connaître ce monde fantastique dans lequel nous vivons, nos enfants
apprennent par coeur tout de la vie des acteurs et des chansons du hit parade.
Mais ils ont des hauts-le-coeur dès que des événements historiques sont
évoqués. Ils connaissent Michel-Ange, Donatello, Raphaël mais ce sont des
tortues. Beethoven est un chien. Walt Disney réécrit l'Histoire.
L'analphabétisme revient en force. Le pop, est-ce l'acceptation cynique de
cet état de fait?

P.C. : -Vous quittez donc l'École des beaux-arts début 1963 pour commencer un
cheminement personnel. Parallèlement, la pratique artistique évolue. Elle
s'ancre profondément dans une pratique de la sculpture de l'espace, du
volume, de la matière, même si elle aborde la question de la couleur, du
chromatisme. Quel est votre cheminement intellectuel, les rencontres
théoriques ou poétiques qui ont été marquantes et qui vont accompagner ce
cheminement?
Dans ces années de formation, existent-t-ils des lectures par lesquelles
votre parcours et votre cheminement auraient pu être induits?

J.N : Je lisais Céline, Dostoïevski, Cendrars, Jean Rostand, Aristote, des
scientifiques et de philosophes, mais peu sur l'art. Très tard, avec
Bachelard je me suis régalé, mais mon approche n'a jamais été intellectuelle.
Je trouve un véritable plaisir physique et une communion avec la matière
que le discours sur l'art ne m'apporte pas. Il faut des expos qui
rafraîchissent. Les analyses sémantiques finissent par vider ces émotions
profondes de leur contenu réel.

P.C. : - Dans la " La Mécanique des fluides ", il y a donc cette idée d'un
mouvement éphémère fixé dans la sculpture comme la forme merveilleuse de
l'onde sur l'eau, la forme que la crête d'une vague peut prendre que l'on
aimerait bien fixer. Cependant, la nature ne peut être
fixée. Le mouvement est l'essence même de son existence.

J.N. : J'étais sensible à ces choses. En utilisant ce titre paradoxal La
Mécanique des fluides, derrière les vagues, le vent, j'ai découvert le
fluide et le temps dont j'analyse la cadence dans mes actions-photo comme
Zwiiiish de 71. Une personne déchire inlassablement du tissu ou (une autre) se colle des
pétales de coquelicot sur le visage. S'agit-il d'instruments de mesure ou de
sculptures à proprement parler ? Il est clair qu'ils relèvent plus de la
pataphysique que de la physique. Les mesures obtenues n'ont jamais été
approuvées par l'Académie mais leur capacité à provoquer une réflexion sur la
" fluidité " est là. Certains artistes peuvent imaginer (et dessiner) des
univers possibles et des transferts d'énergie là où des mathématiciens se
trouveraient devant des chiffres et des graphiques.

P.C. :-Il y donc toute une réflexion qui fonctionne dans votre travail sur un
jeu d'enseignement, d'assimilation, de synthèse visuelle par rapport à des
expériences plastiques et visuelles différentes.

J.N. : La manipulation de la matière a toujours été salutaire. Il y a aussi
une sensualité. L'art n'est pas qu'un objet cérébral à analyser sur un divan.

P.C. : -Est-ce que l'idée d'altération inéluctable de la forme est aussi
présente? Je pense à cela parallèlement au processus de thermoformage et en
matière plastique des structures gonflables molles. Les pièces en séries
peuvent prendre une existence différente suivant le niveau auquel on va les
gonfler, suivant le temps où on va les laisser gonfler et selon le fait
qu'elles existent aussi bien gonflées à bloc ou dégonflées?


J.N. : L'éphémère est un sujet secondaire pour moi. Je m'intéressais plus aux
palpitations des choses et de l'espace. En 1969, durant mon exposition au
Centre Bronfman à Montréal, beaucoup d'ouvres étaient au sol au travers du
trajet des visiteurs. Il fallait les enjamber ou les déplacer. J'avais
attaché une sculpture à l'appareil de la téléphoniste. A chaque fois quelle
répondait, la sculpture s'animait avec le combiné.

P.C. : -Trente après avec forcément ce recul qui s'inscrit dans notre
regard plein d'expérience, quand je regarde , grosso modo l'évolution de
certains matériaux nous allons du dur, du tangible, des matériaux qui ont une
certaine tradition de la sculpture, d'un bloc très solide que l'on va
découper à quelque chose qui est de l'ordre du mou, de l'élastique, du
malléable. Nous savons bien que la glaise est une vieille histoire remontant
aux mythes fondateurs de l'humanité. Par rapport à une tradition moderniste
de la sculpture : le mou, le malléable, je pense aux sculptures molles de
Claes Oldenburg aussi, aux anti-formes Robert Morris ou aux anti-formes de
Flanagan par exemple, ce cheminement n'est peut-être pas totalement le vôtre
puisque dans vos formes malléable il y a quelque chose qui s'anime avec le
vent.


J.N. : Je n'étais pas loin de ces artistes mais je me demande s'ils n'étaient
pas plus préoccupés d 'explorer la notion de sculpture per se. Je ne pense
pas avoir suivi la même voie qu'eux. Je me sens plus proche d'un Takis, d'un
Penone avec sa main qui serre l'arbre, ou même des frères Bachet avec leurs
sculptures-instruments de musique ou de Xenakis avec son Polytope.

P.C. -Je ne sais pas si on peut parler d'influences? Ce sont peut-être des
croisements? Flanagan, les compressions de César, se passaient de l'autre
côté de l'Atlantique. Il y a un esprit de famille. Deux pièces très
importantes de cette époque-là sont ces pièces en toiles découpées datant de
1970. Et aussi la série de travaux où une performance a lieu à l'extérieur
autour de la forme. Un corps porte en bandeau de couleurs. Il le déploie
dans son mouvement à travers l'espace. Ces gestes évoquent l'art de
cerf-volant. En second lieu cela conduit à un travail sur le corps , le masque avec la
couleur.
R.V. :-On peut se demander si la figure ne revient pas alors et comment elle
revient.
J.N. : Je préfère le mot participation à performance. Pour moi c'est une
expérience de manipulation d'objets, de grilles, de sondes. On peut la suivre
depuis les gonflables, dégonflés, cousus, tendus, déchirés, dans les arbres,
sur des visages. Enfiler un pantalon et courir. Coller des pétales sur un
visage. Ecrire sur la peau entre 71 et 72.
R.V. : -Le volume se transforme tout comme le lieu de l'intervention.

P.C. : - C'est peut-être un peu à part. L'écriture sur la peau rejoint
toutefois la performance telle que Dennis Oppenheim du moins là pratiquée.
Oppenheim dans ce cas, redessine sur le mur ce que son enfant faisait sur son
dos. Il s'agit d'une performance de la fin des années 60-70 qui rejoint un
peu le body art bien que le body art ait plus porté sur une question
d'identité sexuelle. Les Anglais ont un peu pratiqué cela. Je pense à Bruce
McClean avant de revenir à la peinture. Qu'est-ce que vous écriviez sur ce
corps?
J.N. : Il y avait certainement un courant. Ici, sur le corps de cette femme,
c'est un texte poétique exprimant mes préférences pour certaines formes
organiques, qui grouillent. J'écris " Je suis fasciné par les pulsations
rythmiques, les épis de maïs, les radiateurs, les S, les Z, et les zigzags" .
P.C. : -Qu'est-ce qui fait que vous écrivez cela sur un corps, un corps
vivant qui respire et bouge?
J.N. : Je me suis lassé des manipulations de tissus. Les visages et corps
semblaient un nouveau territoire à explorer. Comme j'avais besoin de "modèles",
j'ai commencé par colorer mon propre visage de multiples façons.
J'ai poursuivi sur des corps féminins ici à partir de ce texte écrit
précédemment. Je n'ai pas réfléchi. Chaque nouvelle expérience me tirait
plus loin. Chaque porte ouvrait cent portes.
R. V. : -La réflexion se fait par l'expérimentation.
P.C. : -Il y une pensée de la pratique. La pratique porte la pensée
elle-même. Ce qui est intéressant c'est le regard porté aujourd'hui. On voit
bien que c'est un moment particulier qui ne va pas se reproduire au-delà de
cette séquence. On peut retrouver des paramètres depuis le début de votre
oeuvre jusqu'à aujourd'hui, au-delà de la diversité et des mutations que votre
travail a connu. Par contre, ce travail plus particulier sur le corps d'une
femme, est un moment à la fois charnière et totalement atypique. Il ne se
reproduit pas du tout.
R.V. : - Le corps existait pourtant au début. Le corps intervient dans la
sculpture. Au départ avec le labyrinthe, avec la performance. Et ici la
sculpture intervient de telle sorte que c'est le corps qui devient sculpture.
J.N. : La performance, c'est autre chose, notamment du spectacle. Moi
c'était plutôt une expérience comme la machine à mesmériser au 19e siècle.
Tous les participants assis autour, en contact entre eux et touchant la
machine. Il y a aussi l' "orgone" de W. Reich. L'effet était purement mental,
on le sait, mais il était puissant. Moi aussi, je travaillais avec des
participants qui manipulaient quelque chose. Dessiner sur un corps était
aussi une expérience mais surtout pas une performance.
P. C. : -C'est à dire que le corps pour vous est une sorte d'extension de
l'investigation du matériaux donc l'extension en quelque sorte du domaine de
la pratique.
J.N. ; Le corps est un matériau chargé. Évidemment dans certaines
circonstances, le corps de la femme est plus intéressant. Il symbolise
fluidité et harmonie. C'est aussi la source de la vie.
P.C. : -Comme vous parlez à la fois de matériaux, de formes, de couleurs et
de mouvement, je pose la question. Le corps est une matière et une surface.
C'est aussi un élément mécanique caractéristique de la danse contemporaine.
Merce Cunningham ou Alvin Nikolais ont beaucoup travaillé sur la dynamique
corporelle. Est-ce que cet aspect de la chorégraphie ou de la réflexion sur
la danse contemporaine, vous a intéressé? Y avez-vous rencontré plus tard
comme un écho, vis à vis de vos recherches?
J.N. : L'aspect chorégraphique m'intéressait moins que la cinétique. Les
participants se bagarrent en tirant sur le tissu. Avant 67, je voulais
inciter les gens à interagir avec mes objets. J'ai décidé de les y inviter
concrètement dans ces " séances " organisées. Il s'agissait de sculpture
instantanée, comme le café instantané. Mais tout à coup, ces sculptures
devenaient des instruments de mesure, de grands filets à papillons, des
épuisettes à saisir le moment cosmique aussi puissantes au point de vue
conscience tout en étant aussi dérisoires que n'importe quel rituel
religieux. Le papillon, c'était le Fluide.
R.V. : - S'agit d'un déplacement de la notion de mobilité qui en arrive à
investir le corps? Le corps est le matériaux potentiellement le plus mobile
mais est aussi le plus banal. A la fois le plus noble car vivant et le plus
banal car le plus accessible, le plus courant.
J.N. : C'est toute la notion d'ouvre qui bascule à travers l'intervention du
corps. Au départ, on a un bloc de marbre sculpté représentant le mouvement.
Disons Le Discobole, par exemple. Jamais on ne pourra plus faire une
sculpture aussi belle. Sauf les ballerines de Degas, en tutu rose.
P.C. : -Trente ans plus tard dans un regard rétrospectif, on voit qu'il y a
des choses importantes sur ces moments là. Une forme qui s'anime au point de
s'autodétruire et dont la qualité est justement de produire une forme qui va
se détruire.
J.N. : J'ai pas cherché l'autodestruction. L'idée est amusante mais Tinguely
a fait mieux.
P.C. : -Vous avez toujours posé la question jusqu' au possible d'une
dissolution de la forme dans son mouvement. Bien sûr, ce sont des formes
figées qui sont solides, très pérennes mais elles restent toujours fragiles.
J.N. : La fragilité est l'expression d'une angoisse devant l'extinction. Mais
l'existence de l'univers ne semble pas menacée. La vraie question d'après
Hubert Reeves serait plutôt pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?
P.C. : -Une question sur les Ovexpansibles. Il y a deux types de forme dans
cette série . D'une part, des tensions répétitives. Elle ont un caractère
environnemental où elles peuvent se développer à l'infini. On en trouve dans
des formes plates au sol qui se développent et d'autres dans
des formes plus organiques, des sortes de gouttes. Je pense aussi à ces
lampes qui chauffent une matière liquide. Elles produisent ces formes qui ne
semblent jamais figées.
J.N. :En 67, le thermoformage, si sensuel, m'a fait découvrir la genèse des formes.
C'était les Ovoïdes. Ensuite, pour aller plus loin
j'ai voulu envahir l'espace. Réflexe de sculpteur ! Alors voilà les
Ovexpansibles . Mais, c'était encore trop statique! J'ai choisi les vinyles
qui s'accrochaient partout.
R.V. : -Comme des gonflables. En même temps, il y a réinvestissement de
l'espace qui se resserre. Est-ce que vous alliez vers des formes qui sont
plus fixes alors.
J.N. : Ces matériaux ressemblent à la peau. Plus rien n'est fixe. Tout est
prêt à prendre vie. C'est Pygmalion.
P.C. : - La notion d'équilibre est introduite. Il y a aussi cette idée de
partition comme si l'espace est traversé par la sculpture. Elle est à la fois
obstacle, frontière, écran.
J.N. : Les Ovexpansibles, c'était briser cette orthogonalité oppressante
imposée à tous. J'ai essayé de créer des sculptures qui partaient dans tous
les sens. Et ensuite des toiles tendues à contresens qui prétendaient
déformer l'espace tout en le mesurant.
Si l'espace est traversé, il doit aussi s'étendre partout et dans tous les
sens. Même s'il n'y avait plus un seul atome dans quelque coin perdu, aucune
partie de l'espace ne serait à l'abri d'une visite intempestive de quelque
photon ou particule exotique égarée. Je pense à la flèche tu temps. L'arc est
l'un des premiers instruments de musique. En Amazonie, on s'en sert encore.
Si avec un arc on envoyait en l'air quelques notes de musique, peut-on dire
qu'elles se vont balader durant l'éternité ? Malheureusement non! Les ondes
musicales meurent et c'est tragique! Mais les photons, par contre oui! Les
ondes et/ou corpuscules de lumière se baladent durant l'éternité. Dire que
l'espace est partout semble logique. Mes grilles sont des grilles pour
obtenir de méta mesures ou pour capter des méta tensions. Ces élucubrations
ubuesques m'amènent à une conclusion : l' espace est sans limite et il est
vivant. Je me borne à extrapoler et à écouter les physiciens pour en tirer
mes propres conclusions. Ensuite je rentre dans mon petit atelier bricoler et
poursuivre mes investigations avec mes bouts de ficelles.
P.C. : -Vous nous dites que la forme en tension existe au-delà de sa présence
matérielle.
J.N. : Regardez la mer. C'est un organisme et non des gouttes d'eau
individuelles. Le cosmos est aussi un organisme. Je prétend sonder la
profondeur des abîmes, mesurer la vitesse de la lumière, la gravité, la
cohésion nucléaire. N'a t'on jamais parlé du poids des idées? De la puissance
de l'humour? De la poésie des haïkus?
P.C. : - Quels matériaux utilisiez-vous principalement à ce moment-là?
J.N. : J'aime le bois si noble et sensuel, l'acier trempé et froid qui tire,
la couleur, la transparence et la réflexion, et le mouvement, l'instabilité. Ce
sont mes matériaux de prédilection.
R.V. : -La mer on la sent à travers des suggestions, une tonalité d'ensemble.
J.N. ; Les couleurs sont souvent symboliques. Il y a aussi des vagues, des
déchirures. Une lumière bleue est tamisée dessous. Ca bouge s'il y a un
courant d'air ou si des gens passent à côté.
P.C. : -Vos sculptures sont aussi titrées?

J.N.
Au début elles s'appelaient "Homme-oiseau", ou "Troglodyte" puis ensuite les
"cubes" et après les "Oeufs". Viennent ensuite les sculptures molles et les toiles qui ont
été désignées par des onomatopées rappelant le son du tissu frotté, déchiré
ou claquant au vent. SSRP, FFFUF, ZWIIIISH. Les F , les S et les Z
revenaient souvent. Ce sont des phonèmes. Il fallait aussi que le titre soit
une extension de l'ouvre et pas simplement rapporté. J'ai aussi choisi des
noms de lieux mythiques comme les mers sur la lune en latin,
et des noms chargés d'émotion, ou descriptifs. Les métaphores
poétiques facilitent la conceptualisation des flux.
R.V. : Ces ouvres relèvent-elles du domaine de l'espace ou de celui de l'objet autonome?
J.N. : L'intérêt n'est pas tant la géométrie, ou le patron, ou le carton de
tapisserie qui aurait pu être un tableau en deux dimensions. C'est plutôt la
déformation qui importe. En même temps, il s'agit de métaphores de la fibre
de l'espace, cosmique, observable, lorsqu'on aura inventé l'instrument,
probablement un tissu sans limite, une trampoline de 10 à 12 dimensions
s'étendant dans tous les sens. Nager sous l'eau nous en donne une idée.
P.C : - Cette idée de tissu m'intéresse car ces premières sculptures des
années 80, n'ont rien de sculptures compactes, opaques qui jouent la densité
de la matière. Elles jouent plutôt du translucide, la transparence, une
traversée possible de l'espace. Elles ressemblent à une traversée de la forme
dans l'espace. Il y a cette idée aussi quelque chose entre le visible et
l'invisible. Dans Mare Nubium, par exemple, la toile est opacifiée par du
bleu translucide. Dans d'autres nous sommes dans une sorte de plastique plus
ou moins transparent. Ce plastique laisse passer la lumière. Je dirais
derrière elle, mais qu'en la laissant deviner, il trouble l'espace sans
l'obturer complètement. Et je pense à cet espace pénétrable exposé à
Montréal en 1968 dont nous avons parlé, le Labyrinthe. On y voit des
spectateurs et des oeuvres à travers le labyrinthe. Toujours donc cette idée
d'une transparence.
R.V. : -Le labyrinthe est aussi créé par les reflets des spectateurs
participants.
P.C. : - Si on reprend cette idée de tissu à limite en poussant à l'extrême
entre la surface dehors et l'intérieur du corps, il y a une superposition de
tissus. Un peu comme si la structure de la matière faisait qu'il y avait une
sorte de continuum entre le coeur , l'intérieur de l'individu et l'infini de
l'espace.
J.N. Dans la réalité, il y a un maximum d'aspects et de dimensions même
paradoxaux ou antithétiques. Transparence et opacité. Equilibre et fragilité.
Certaines ouvres tiennent debout sur un bout de verre. Si tu retires un
élément, tout tombe. Comment ça tient? Comment l'univers tient? Si l'univers
tenait pas debout, il faudrait une intervention extérieure pour en
reconstruire un autre de temps à autre. Il serait lui aussi forcément bancal
pour se déglinguer encore. L'unicité des choses est la seule solution
mécaniquement possible. Si l'univers fonctionne, c'est que tout y est en
équilibre. Des astrophysiciens ont fait des centaines de simulations
d'univers différents. Ils se sont rendus compte que si on altérait même
légèrement certains des paramètres fondamentaux du mouvement des astres, à
plus ou moins brève échéance, tout se casse la gueule. Nous ne sommes pas
dans un jeu de Kapla ou d'alignement de cubes de sucre.
P.C. : -A l'idée d'équilibre, de déséquilibre, je pourrais appeler la façon
dont le mouvement prend en charge la forme dans ce qui serait à la fois son
émergence et sa dissolution. Ce sont de telles préoccupations qui vous amène
à utiliser un matériau souple comme ce plastique, le polyester ondulé.
Industriel, ce matériau, en même temps, inscrit dans sa forme cette
ondulation de la vie même, de la matière en quelque sorte, de l'énergie.

J.N. : Le polyester est une métaphore de la peau, de l'oeil. Il est presque
vivant. Il répond à toutes les pressions. Aussi le cosmos est un être vivant.
Il y a dans cette idée une émotion quasi mystique. Certains voient Dieu en
vieillard venant nous parler sur une montagne, apportant des pierres sacrées
sur lesquelles il aurait gravé des mots, des "commendements".
Quelle jolie image de conte de fée! Toutes les religions sont
anthropomorphes. Comme si dieu pouvait être assez minable pour nous
ressembler. Comme si avec 1 400 c.c. de matière grise, nous serions en mesure
de comprendre déjà même le concept dieu. Rien n'empêche dieu et le cosmos d'être
une seule et même réalité dont nous ferions partie (temporairement). Chose
certaine, seul un principe peut être immuable. Tout ce qui existe est vivant
et dynamique. On sait qu'il y a des marées cosmiques. Les ondes
gravitationnelles sont les pulsations de cette " trampoline " sans limites.
L'intuition est parfois lumineuse. Pythagore croyait entendre la musique des
sphères célestes. Les Hindous ont deviné le OM . Ils le chantent pour
manifester leur intégration à l'énergie cosmique. Les scientifiques ont
mesuré à 2,7° Kelvin le fond sonore de l'univers qui serait le résidu sonore
du Big Bang. Comme des tumeurs, nous sommes des parasites du tissus cosmique.
Nous y naissons. Nous y vivons. Nous y mourons.

P.C. : -Manifestement, il s'agît d'une positon syncrétique par rapport à tous
les éléments qui constituent peut-être le potentiel vital...

R.V. : -Jean Noël parle du cosmos. On pourrait parler de microcosme dans des
pièces qui condensent à la fois des intuitions et des réalités de
perceptions des lois physiques,

J.N. : Ces questions sont beaucoup plus intéressants que le phénomène de
l'interaction de la critique d'art et des artistes qui est au fond justement
l'expression d'un désengagement devant les vrais problèmes. On est obnubilé
par le sexe des anges.

PC. : -Dans cette idée d'énergie, d'organisme vivant, il y aussi l'idée d'un
moment sensuel du monde. Quand on écoute vos titres : azurez-moi , il y a
la suggestion d'un caresse, une sorte d'ouverture. Ces titres que vous
choisissez ouvrent à une prise en charge de ces éléments dans une dynamique,
- peut-être dans tous les sens du terme-, mais à une dynamique sensuelle des
choses. Comme si d'un seul coup l'énergie des éléments avait ses propres
potentialités charnelles. Comme si tout avait du corps et de la peau.

JN. : Azurez-moi ! L'azur c'est le ciel, la mer, une tendre caresse autant
que l'horreur de cet abîme qu'est la mort. D'où tous ces gurus garantissant
l'immortalité. Quel fond de commerce inépuisable. Mais comme disait l'autre:
"où vont les morts? Ils vont là où sont toutes les personnes qui ne sont
jamais nées".

P.C. : -Parallèlement à ces matériaux investis dans des formes
anthropomorphiques ou végétales on retrouve une prise en charge de plusieurs
dimensions simultanément qui sont portés par une présence, une sorte de
corps. En autant de formes, vous avez souvent fait référence aux naïades. À
ces êtres mi humains, mi fantastiques, mi surnaturels,

J.N. : ...qui représentent les éléments. Les Grecs ne croyaient pas en leur
mythologie. Ils savaient la lire au second degré comme représentative des
tensions dans la nature, des pulsions humaines et des angoisses devant la
vie, et la mort. De Chirico parle beaucoup des divinités grecques. Dans les
forêts en Grèce, nous sentons les dieux. Nous entendons l'écho des voix des
philosophes. Nous prenons conscience que la pierre est vivante, que l'arbre
est vivant. Dans ce roman de Jean Rey "Malpertuis", un taxidermiste Belge part
en expédition en Grèce afin de piéger les dieux. Il veut les ramener pour les
empailler. Les religions ont voulu décrire dieu et l'imposer aux autres par
la force avec quantité de massacres. On a condamné les animistes, les
traitant de primaires. Mais ils avaient compris qu'il y a un esprit dans la
nature.

P.C. -Comme si les éléments pouvaient incarner la figure du désir, d'un désir
polymorphe ?

J.N. : Je ne sais pas de quel désir pourrait-on parler, sinon du désir de vie
par rapport à la mort.

P.C. : -Je parlais des pulsions.

J.N. : Une pulsion de vie.

P.C. : Je parle d'une sorte de pulsion sexuelle fondamentale en quelque
sorte. Je me demande si il n'y a pas chez vous une sorte de vitalisme de la
forme qui serait, je dirais, dynamique dans l'opposé d'une vision tragique.
Vous n'êtes pas du côté du tragique du vécu. Vous êtes du côté d'une
certaine allégresse. Jusqu'au vertige de la dissolution mais du côté de
l'allégresse. On peut dire que dans l'extase, il y a de la perte de soi.
Parfois j'ai un peu le sentiment que dans l'ouvre de Jean Noël , il y a cette
dimension. Aller jusqu'à la perte de soi qui peut se terminer par le
dissolution du vivant. On connaît bien le mythe de Panthésilé où à force
d'aimer on déchire et on tue l'autre d'amour. Je te mangerais. Se perdre dans
le regard de l'autre. Il y a plein d'images où le trop-plein d'énergie
produit le contraire de sa logique qui n'est pas qu une logique constructive.
C' est une logique d'émergence et de dissolution en même temps. Je me
rappelle vous m'aviez dit un jour : " rêver de pouvoir donner forme et
figure à ce mouvement de l'eau d'un fleuve et de ce nageur qui est dans l'eau,
de pouvoir intégrer dans l'immobilité d'une forme le mouvement continu de
ces deux éléments humain et aquatique " . Ces deux énergies vont l'une avec
ou à l'encontre de l'autre avec cette idée de paradoxe. Comme chez Morris ou
Flanagan qui font de la sculpture avec des matériaux complètement
antinomiques ce paradoxe est une sorte de rêve, de marche impossible
consistant à donner la pérennité à l'éphémère.

J.N. : L'illusion du pérenne conforte. Ici chaque sculpture est un puzzle,
une devinette. Pas une certitude, mais une question.

R.V. :-Vous devez fixer un moment dans ces tensions.

J.N. : Nous sommes des médiums funambules. La position exacte qui induit
cette tension n'est pas toujours évidente. On peux aussi dire une chose
et son contraire.

P.C. : -Un peu comme l'affleurement d'une figure ou l'affleurement d'une
matière ou d'une forme.

J.N. : Je ne veux pas être coincé dans l'un ou dans l'autre. Nature ou artifice?
Les mots sont artificiels mais ils décrivent des phénomènes naturels. Il
faut aussi essayer de voir derrière l'écran et sous la surface.

P.C. :-C'est peut-être cela qui différencie ces problématiques de celles des
constructivistes et des néo-constructivistes qui affirment la prééminence
des processus du travail de Carl André à Support-Surface.

J.N. : Picasso et les constructivistes ont fait éclater la vision univoque
qui prévalait pour nous faire voir que la réalité est éclatée et multiple. Il
y a aussi Naum Gabo dont on parle peu. Sans doute l'un des plus grands.

R.V. : -Dans votre propos vous densifiez des connotations poétiques, des
intuitions sur la nature, sur les lois et la physique de façon très ouverte
et en même temps, comme à l'opposé, il y une volonté d'épurement, de
légèreté, un processus de soustraction dans la forme elle-même.

J.N. : La théorie unifiée, c'est le rêve de tous les scientifiques. Il y a
certainement une explication simple derrière cette mécanique compliquée. Dans
les années 90, avec les Hydrodynamix, j'ai tenté de laisser la forme se
construire elle-même avec un minimum d'intervention. N'être que l'instrument
de son évolution. Je commençais par une seule peau puis une seconde peau.
Chaque nouvelle peau créait une nouvelle tension qui tirait la sculpture dans
un sens différent et faisait apparaître de nouvelles tensions et ainsi de
suite jusqu'à trois ou quatre peaux que je fixais quand la forme était
complète. Un peu comme si je jouais au tennis avec la forme. Tu frappes la
balle. La forme te la relance. Et dix fois, vingt fois comme toujours le même
écho se décale et se transforme à chaque aller-retour de ses multiples
réverbérations. Finalement, c'était presque un dialogue entre la sculpture et
moi. Elle répondait à chacune de mes sollicitations et le résultat était
imprévu.

P.C : On y trouve parfois une chose surprenante dans ces sculptures. On y
entrevoit un condensé du paysage ou d'un moment donné du monde et en même
temps, quelque chose entre le naturel et l'organique, le corps. Je pense à
une petite sculpture blanche, qui n'est pas sans évoquer des prothèses , une
sorte de prolongement du corps, quelque chose, des matrices et des formes.
Cette description est effectivement quelque chose qui a l'air d'une
intuition. Le processus anticipe en partie sur un mode projectif et intuitif
une forme que le mode de fabrication va déterminer. Il y une double logique.
La logique propre de fabrication avec sa logique propre au matériau et
l'intention en quelque sorte. Ce double rapport va donc produire quelque
chose entre le décidé et l'imprévisible.

J.N. : Harmonieuses, ces sculptures se développent dans un sens précis.
Comme toutes formes naturelles, leur organisation est déterminée selon des
lois définies à la Renaissance par Fibonacci. Ces lois déterminent les
intervalles entre les pousses dans la nature. Mario Merz en a parlé.
Fibonacci est un mathématicien pisan du Moyen Age. Il affirmait qu'une
branche pousse toujours exactement à une distance précise de ses voisines
-tenant compte de l' " achalandage " (de la place disponible). Ces
projections scientifiquement calculées par Fibonacci sont quasi identiques au
nombre d'or, les divines proportions définies par les philosophes grecs.
Conclusion le sculpteur ne crée peut-être pas la forme. Il n'est que la
sage-femme qui accouche la nature d'une nouvelle forme parmi toutes les
formes possibles. Si tu remplis un tissu de liquide, tu le vois prendre une
tangente à mesure que le poids du liquide tire sur les fibres. Et lorsque tu
arrêtes le flot, une forme imprévue se fixe. Le manche à vent nous fait voir
des courants invisibles qui parcourent l'espace. Le vent est une belle
métaphore de la densité de l'espace. Quoi de plus magique qu'un voilier qui,
toutes voiles dehors, arrache -et harnache- le vent au plus près avec sa
quille bien accrochée dessous. C'est presque de l'alpinisme sur une montagne
liquide. On peut aisément imaginer comment le cosmos est animé par toutes
sortes de giga courants et dans tous les sens. Et comment c'est peut-être un
être palpitant. Nous sommes là-dedans comme des tumeurs parasites dans sa
chair. Image anthropomorphe encore, mais combien différente de celle du
vieillard écoutant de la lyre sur un nuage.

R.V. : - les sculptures qui viennent ensuite, ce sont des reliefs, des bas-reliefs, le plus souvent en carton?

P.C. : -Ce n'est pas toujours en carton. Le caractère très fragile des
fixations m'apparaît intéressant. Ce sont des aiguilles, des points de colle.
Cela tient à presque rien. Cela me fait penser pour le plus beau de ce qui
est mis en pratique en volume à une sorte de carnet de dessin.

R.V. : -Le mot accrochage prend ici tout son sens.

P.C. : -Ce sont des croquis qui ont cette existence pratique d'un volume. Ce
sont des volumes croquis .

J.N. : La sculpture apparaît différente et comme un volume selon le point de
vue.

P.C. : -Ces points de fixations sont à rattacher au problème des aiguilles
qui servent à fixer certains éléments des collages chez Picasso. Il y a des
moments d'agencement. Cela lui permet de fixer les choses sans les figer
nécessairement. Cela me semble très intéressant en ce sens. Je me disais que
l'on pourrait concevoir une sorte de mur. Comme si le mur devenait un plan de
travail où se fixait des essais, des réflexions, des sensations, entre la
réflexion et les sensations...

J.N. : ..et les patrons comme en couture.

P.C. : -Le fait de parler aussi de la couture, de l'assemblage, de la
découpe, du collage me fait penser aux papiers découpés. Les papiers découpés
matissiens comme les figures de la danse chez lui, mettent de l'avant cette
idée à la fois importante du collage et de la jointure, Qu'est ce qui va
fixer? Qu'est-ce qui va faire le lien? Qu'est-ce qui va montrer
l'articulation? Pour qui passe du plan à un espace, à un volume c'est
effectivement dans le domaine de l'assemblage et du collage donc d'un seul
coup, que se fixent des choses.

J.N. : Certaines de ces oeuvres-là ont changé de forme 25 fois. Ces aiguilles,
ces bouts de colle me permettent de les démonter et de les remonter jusqu'à
ce que j'aie trouvé l'équilibre idéal.

R.V. : -Et la couleur. Est-ce quelle vient en même temps? Est-ce quelle vient
après? Avant?

J.N. : Y a pas de règles mais les couleurs représentent quelque chose. Un
élément. Une émotion. Une énergie. L'eau. L'air. La verdure.

P.C. : -Il y a peu de couleur saturées. Elles ont souvent cette qualité
quelque chose de l'ordre de l'aquarelle. L'aquarelle ne sature pas. Il y a
une qualité de fluidité, de transparence toujours , une sorte de générosité à
la lumière qui est grande, même quand elles sont dans la brillance, elles ont
une qualité de réfraction mais laissent passer la lumière. Elles ne la
laissent passer que très peu dans les grandes sculptures de couleurs qui
sont opaques.

J.N. : Il n'y a rien de fini, de définitif. La couleur c'est le brouillard à
travers lequel nous voyons les objets. C'est comme une aura. Les objets
ruissellent toutes sortes de lumières différentes. Depuis chaque point de
vue, ils présentent une personnalité différente et surprennent.

R.V : -Est-ce qu'il y a des climats comme on dirait pour la musique. Des
nocturnes.

J.N. : Beaucoup de " climats " ont rapport avec la lune, la mer.

R.V. : Vous vous situez quand même dans une joie de la couleur...

J.N. : Pourquoi se priver d'un élément aussi sensuel, d'un tel plaisir?
Certains artistes se flagellent quotidiennement à faire quelque chose de
terriblement ennuyant. Pas moi.

P.C. :- Quand René dis que vous êtes dans une sorte d' allégresse, il est clair
que votre oeuvre n'est pas marquée par la figure de la mélancolie. Il règne
ici un bonheur lucide.

R.V. : -Il y a de la tension

J.N. : La vraie magie ce sont les atomes qui tournent. On se l'explique
encore mal mais y a pas de truc.

P.C. : -Je dirai plus prudemment que c'est le bonheur que vous avez à
interroger dans votre oeuvre cette énigme de la présence des choses, à la
lumière, à nos regards et à leur propre dynamique.

J.N. : J'espère tous les jours être étonné par mes oeuvres.

P.C. : -Qu'est-ce qui fait qu'une pièce est aboutie ou qu'elle ne mérite pas
d'exister ?

J.N. : Quand je peux les regarder durant des années avec plaisir elle sont
abouties. Je démonte celles qui ne me passionnent pas pour développer de
nouvelles idées. Ce sont des fragments de métacohérence, griffonnés au
hasard. Un jour, ces fragments vont se rejoindre dans le grand roman du
fluide.

Entretien avec Jean Noël réalisée le 27 mars 2001 à son atelier de la Cité
Griset. Paris 11e. par Philippe Cyroulnik et René Viau

 

 

France Gascon, directrice, Musée de Joliette.

La mécanique des fluides couvre une période de près de quarante ans dans la production d'un artiste québécois qui vit à Paris depuis le milieu des années soixante-dix. Également destinée à un public français et québécois, l'exposition, présentée de part et d'autre de l'Atlantique, est la première à se pencher sur l'ensemble d'une œuvre qui a noué un rapport paradoxal, et des plus féconds, avec l'art de la sculpture. Tour à tour défiant son époque, s'insérant dans ses marges ou la devançant carrément, l'ensemble de la production rassemblée ici rend également manifestes les lieux de résistance dans lesquels l'artiste a, à divers moments, choisi de s'inscrire.

L'œuvre de Jean Noël éclôt dans le bouillonnement d'idées et d'attitudes que connaît Montréal dans les années soixante. En 1975, le sculpteur, qui avait beaucoup fréquenté la France, s'installe à Paris. Sa pratique évolue alors, dans une continuité remarquable, d'une pièce à l'autre en autant de contrepoints face à la notion traditionnelle de sculpture comme art de la densité, de la masse et du volume. Le parcours proposé par l'exposition documente quelques-uns des premiers travaux de l'artiste à partir du début des années soixante jusqu'à la fin de cette décennie, marquée par des matériaux tels le plexiglas et le vinyle et riche de multiples inventions. Suivra ensuite une série d'actions photographiques prises entre 1971 et 1973 et donnant un rôle de premier plan au corps humain, fixe ou en mouvement, et au vent. En 1979 une nouvelle recherche s'enclenche qui permet à Jean Noël d'explorer, à travers une gamme différente de matériaux, les thèmes du passage, de la légèreté, de la fluidité et de la frontière entre l'équilibre et le déséquilibre, suscitant par ailleurs une participation active du spectateur à la description de l'œuvre.

L'exposition Jean Noël, La mécanique des fluides est une co-production du Musée d'art de Joliette, Québec, Canada, et du 19, Centre régional d'art contemporain de Montbéliard, France. Proposée à l'origine par nous pour une institution qui à Joliette s'est fait une spécialité de ces expositions offrant un premier bilan du parcours d'artistes ayant marqué leur époque et leur milieu, le projet d'exposition a trouvé un écho du côté de Montbéliard où le directeur du 19, Centre régional d'art contemporain, Philippe Cyroulnik, appréciait et suivait le travail de Jean Noël et l'avait exposé au CREDAC à Ivry-sur-Seine. L'exposition présentée d'abord au 19, du 29 juin au 9 septembre 2001, l'exposition se déplacera ensuite à l'Espace Sculfort de Maubeuge où elle sera accueillie par l'Association Idem + Arts. Une version québécoise de l'exposition sera par la suite présentée du 29 septembre 2002 au 5 janvier 2003 à Joliette.

C'est d'abord grâce au concours de l'artiste que l'exposition a pu prendre forme, et nous lui en sommes particulièrement redevables. À Joliette, nous avons demandé au critique d'art René Viau d'agir en tant que commissaire de l'exposition, tâche prise en charge en France par Philippe Cyroulnik, co-commissaire de l'exposition. Je les en remercie chaleureusement. La présente publication s'est enrichie d'un important texte sur Jean Noël, signé par le philosophe et critique d'art Gérard Durozoi. Jean Noël, Philippe Cyroulnik et René Viau méritent aussi nos remerciements pour les propos échangés dans un entretien qui éclaire sur les sources de l'œuvre de Jean Noël.

L'exposition et le catalogue ont nécessité un minutieux travail de coordination, assumé au Musée par Myriam Tremblay, coordonnatrice aux expositions, et Lynda Corcoran, archiviste des collections. Le 19 pour sa part a pu compter sur les services compétents de Célia Charvet, chargée des expositions. Les prêteurs de cette exposition ont droit à notre plus grande reconnaissance pour avoir accepté de se départir de leurs œuvres pendant la durée de cette exposition.

Cette exposition a bénéficié de l'appui financier du ministère de la Culture et des Communications du Québec, consenti dans le cadre d'un programme découlant de la nouvelle politique muséale. Le Conseil des Arts du Canada a également apporté un soutien important auquel s'ajoute celui que le Musée reçoit de la Ville de Joliette ainsi que du ministère du Patrimoine canadien. L'exposition a aussi pu compter sur le concours de l'Ambassade du Canada à Paris et la compagnie Air Transat a apporté un soutien logistique pour lequel nous lui sommes des plus reconnaissants. Nous les remercions chaleureusement, tout comme nos partenaires de Montbéliard et de Maubeuge qui en s'associant à ce projet ont permis de donner à la redécouverte de cette œuvre, aussi originale que singulière, le retentissement qu'elle méritait.
 

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